Applications maritimes et portuaires : l’hydrogène hisse les voiles

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De retour du salon HyPorts 2025, l’expert en décarbonation industrielle Olivier Hamelet nous a partagé son analyse sur les tendances du marché, les dernières innovations et les atouts des Pays de la Loire.

Après avoir travaillé dans l’aéronautique, puis la logistique portuaire, Olivier Hamelet accompagne la création de projets hydrogène et de décarbonation. Au-delà de son activité de conseil (HyDéAc), il a œuvré en tant que chef de projet durant plus d’un an sur le montage du projet “H2 – comme carburant marin”  pour l’Institut MEET2050 et, surtout, pilote depuis trois ans le Groupe de Travail hydrogène de Neopolia aux côtés de Jérémy Cantin (e-Néo/Vensys Group) et Thomas Magnier (Artelia).

Vous étiez récemment au salon HyPorts pour représenter Neopolia. Quel bilan en tirez-vous ?

L’objectif était de mener une veille technologique, notamment grâce aux nombreuses conférences. J’ai particulièrement été intéressé par les discussions autour de l’hydrogène liquide et des LOHC (Liquid Organic Hydrogen Carrier), le maillage des stations d’hydrogène, ou encore l’évolution des électrolyseurs. Nous avons pu mesurer combien la filière avance vite — et parfois là où on ne l’attendait pas.

Le salon nous a également permis de renforcer notre réseau en multipliant les échanges, tant avec des prospects qu’avec nos membres établis. Le format intimiste d’HyPorts constitue un véritable atout : il permet de prendre le temps d’échanger en profondeur, et nous avons réalisé une dizaine de rendez-vous qualifiés en deux jours. 

C’était aussi une formidable vitrine d’innovations. Les awards ont notamment récompensé les projets de barge Zulu de Sogestran, du navire de formation ALBA du Lycée Maritime de Bastia, et le projet de barge amphibie mytilicole Estebam porté par Europe Technologies, membre de Neopolia, qui a obtenu la troisième place. 

Quelles sont, selon vous, les applications prioritaires de l’hydrogène dans le secteur maritime ?

Avant de penser aux grandes traversées océaniques, il faut commencer par le plus urgent : décarboner les usages portuaires et côtiers. C’est là que l’hydrogène a une carte à jouer immédiatement. On parle d’engins de manutention, de barges fluviales, de navires à passagers ou de petits transports logistiques.

Nous travaillons notamment sur des moteurs à combustion interne alimentés à l’hydrogène. Cette solution permet de valoriser des flottes existantes, d’abaisser les coûts d’investissement, et surtout d’aller vite. Ce type de motorisation est parfaitement adapté aux contraintes portuaires.

À plus long terme, la marinisation des piles à combustible est une autre priorité. Et là, les Pays de la Loire ont une vraie expertise. Conception navale, intégration de systèmes, architecture embarquée : nous avons tous les maillons pour concevoir des unités zéro émission.

Où en est-on concrètement ? Quels projets avancent, et à quel horizon ?

Dans le terrestre, avec Alain Leroy (ancien président de Neopolia), nous travaillons sur un projet de rétrofit MCI (moteurs à combustion interne) hydrogène sur des autocars. L’objectif à terme est de l’étendre à la pêche côtière ainsi qu’aux navires de servitude qui ont une puissance équivalente. Nous avons déjà fait l’avant-projet sur un engin portuaire, mais faute de financement, le démonstrateur n’a pas vu le jour. Nous reconstruisons le projet sur une base plus robuste, avec des partenaires industriels, membres de Neopolia, prêts à s’engager. 

Sur le volet production, le territoire n’est pas en reste : des projets comme Take Kair ou ceux de Lhyfe permettent de sécuriser une offre en hydrogène vert local. 

Quels leviers doivent être activés pour assurer le succès de la filière ?

Il y en a deux majeurs : créer les usages, via des aides ciblées, des marchés publics ou des AMI, et acculturer les acteurs, car la molécule H2, aussi prometteuse soit-elle, suscite encore des réticences. La formation est aussi une clé majeure, et la création d’un centre dédié à l’hydrogène à Saint-Étienne-de-Montluc, sur l’ancien site GDF, est une avancée remarquable. Il faut maintenant le faire vivre, l’ouvrir aux techniciens, aux ingénieurs, aux opérateurs.

Quels sont les atouts des Pays de la Loire dans le domaine de l’hydrogène ?

Les Pays de la Loire peuvent devenir une vitrine de la transition hydrogène, car nous avons le privilège de nous appuyer sur un triptyque porteur :

  1. Un port industriel majeur, Nantes Saint-Nazaire Port, un atout stratégique qui permet d’imaginer des chaînes logistiques intégrées, que ce soit pour importer, produire ou acheminer de l’hydrogène.

  2. Un réseau d’acteurs structuré, où Neopolia, qui fédère les compétences depuis plus de 25 ans, joue pleinement son rôle. Pour l’hydrogène, nous avons lancé un groupe de travail transversal qui réunit les acteurs du maritime, du ferroviaire, de l’aéronautique, de la mobilité terrestre… 

  3. Une vraie dynamique politique, car la Région soutient la filière, et de plus en plus de collectivités locales se mobilisent. Il y a une prise de conscience que l’hydrogène constitue un levier industriel, énergétique et environnemental.

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