Amaury des Jamonières est responsable des partenariats industriels pour le CEA Pays de la Loire, en particulier ceux liés à la décarbonation du secteur maritime. Il nous présente les spécificités du site nantais, ses moyens uniques d’expérimentation, et les dynamiques partenariales qui font de la région un territoire pionnier pour l’hydrogène.
Quel est le rôle du CEA dans la recherche et le développement autour de l’hydrogène ?
Le CEA est un organisme public de recherche et d’innovation dont la mission est de développer des technologies de rupture et d’en assurer le transfert vers l’industrie. Il existe sept implantations régionales réparties sur le territoire français, chacune ayant ses propres spécificités. Celle de Nantes est spécialisée sur la décarbonation du transport maritime. Nous nous concentrons sur les enjeux spécifiques à l’adaptation des systèmes énergétiques aux contraintes de l’environnement maritime, le vecteur hydrogène étant un axe stratégique de développement.
Quelles sont les spécificités du centre de Nantes et de sa plateforme Sea’nergy ?
Notre plateforme Sea’nergy est dédiée à la décarbonation du secteur maritime. Elle regroupe une série d’équipements uniques en Europe pour simuler et reproduire les conditions réelles d’exploitation des systèmes énergétiques embarqués à bord des navires (batteries, piles à combustible, etc.). Cela comprend :
- Une enceinte climatique de 55 m3 permettant de tester des équipements à grande échelle (températures, hygrométrie, polluants salins) couplée à un banc électrique forte puissance (800 kW) ;
- Un brouillard salin de grandes dimensions (8 m3) et une machine de fatigue -corrosion ;
- Un outil de contrôle par rayons X de pièces de grandes dimensions ;
- Depuis peu, un banc de houle, simulant le tangage d’un navire pour tester les équipements dans des conditions dynamiques.
Ces moyens d’essais expérimentaux s’accompagnent de nombreux outils numériques, notamment avec de l’IA, permettant de réaliser des simulations et des jumeaux numériques ou encore du prototypage d’architectures électriques modulables afin de concevoir des bateaux polyvalents. Ces installations peuvent également servir d’autres problématiques (par exemple la simulation d’un environnement pollué).
Quels sont les savoir-faire humains disponibles sur le site nantais ?
Le centre mobilise une équipe de 18 personnes autour de compétences rares : méthodologie de conception et de qualification de systèmes énergétiques pour applications maritimes, modélisation Hardware-in-the-Loop (HIL) et hybridation énergétique. Cette capacité à intégrer à la fois le numérique et le physique est essentielle pour tester des solutions opérationnelles dans des environnements complexes comme le maritime.
Comment évolue le marché de l’hydrogène, notamment dans le maritime ?
Nous entrons dans une phase charnière. Après plusieurs années centrées sur la R&D, certaines technologies arrivent à maturité. Le focus se déplace vers la certification et la commercialisation. C’est particulièrement vrai pour les piles à combustible de type PEM (Proton Exchange Membrane), dont la technologie est déjà bien avancée. D’autres technologies comme les SOFC (Solid Oxide Fuel Cell), qui permettent une plus grande flexibilité en matière de carburants, sont en développement.
En parallèle, de nouveaux carburants à base d’hydrogène comme le méthanol de synthèse (e-méthanol) émergent pour contourner les contraintes de stockage. L’idée n’est pas de remplacer le diesel du jour au lendemain, mais d’avancer vers des mix énergétiques décarbonés adaptés en fonction des segments de flotte et des usages.
Quels sont les atouts des Pays de la Loire pour développer ces projets hydrogène ?
La région dispose d’un écosystème exceptionnellement dense et complémentaire :
- des acteurs académiques comme Nantes Université, l’Ecole Centrale de Nantes, les Arts et Métiers d’Angers ou encore l’IRT Jules Verne ;
- des industriels couvrant l’ensemble de la chaîne de valeur, du composant au système : fournisseurs de technologies, intégrateurs ,cabinets d’architecture navale, bureaux d’études, armateurs, etc. ;
- une diversité d’acteurs, des PME innovantes aux grands groupes, permettant d’avoir des visions variées et d’explorer différents scénarios technologiques et d’usage.
Cet écosystème industriel et académique, auquel le CEA est pleinement intégré, bénéficie d’un soutien actif de la Région des Pays de la Loire : il constitue un levier déterminant pour accélérer l’innovation du tissu industriel régional.




