Le Cetim investit à Nantes pour développer son expertise hydrogène

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© Hervé Boutet / Cetim

Le centre technique des industries mécaniques (Cetim) est un accélérateur technologique. Il s’appuie sur plus de 1100 experts, docteurs, ingénieurs et techniciens pour accompagner l’industrie à répondre aux grands défis énergétiques et écologiques. Focus sur son investissement de 25 millions d’euros dans la recherche et la formation sur l’hydrogène avec Didier Fribourg, directeur scientifique et technique, qui présente l’ambitieux projet HyMEET.

En quoi consiste le projet HyMEET ?

HyMEET (Hydrogen Material and Equipment Engineering and Testing Centre) est un programme stratégique de R&D et de soutien aux industries mécaniciennes ainsi qu’à leurs clients. Mis en place par le Cetim, il a pour objectif d’anticiper les besoins et les changements sociétaux liés au développement de la filière de l’hydrogène. Il se concentre sur la valeur ajoutée des professionnels des industries mécaniques pour qu’ils puissent se positionner sur ces nouveaux marchés.

Le programme HyMEET concerne l’ensemble de la chaîne de valeurs : production, stockage, distribution, usages… Il vise à développer des innovations de TRL 4 à 7 et représente un plan d’investissement de 25 millions d’euros permettant de s’équiper de moyens spécifiques, notamment de caractérisation.

Où en êtes-vous de la mise en place ?

Nous avons engagé environ la moitié de ce budget de 25 millions d’euros et 7 à 8 millions d’euros ont déjà été investis pour des opérations de R&D.

Le programme a été lancé fin 2021, et à aujourd’hui nous avons lancé 4 projets de R&D appliqués à la caractérisation des matériaux ainsi qu’une dizaine de projets collaboratifs financés par des fonds européens, de l’Ademe, etc. Sur l’année 2023, environ 160 personnes ont travaillé sur ces sujets, représentant 25 ETP.

Quels moyens d’essai sont mis à disposition et où sont-ils situés ?

Pour le moment, les outils sont déployés sur le site actuel du Cetim, à la Jonelière, mais le programme va également se décliner avec la mise en place d’une plateforme dédiée qui sera située sur le site de Cheviré, à Nantes, et qui sera opérationnelle au 1er semestre 2025. Cette plateforme n’aura pas d’équivalent en Europe dans sa vision axée sur les matériaux et les équipements mécaniques. Nous allons y déployer différents moyens d’essai dédiés à la caractérisation mécanique des matériaux dans un environnement hydrogène :

  • Des bancs de fatigue et des bancs de pression jusqu’à 400 bars, voire plus. Leur objectif est d’apporter aux professionnels une aide pour faire un choix raisonné concernant les matériaux utilisés. Ils pourront aussi analyser les matériaux au moyen de la spectrométrie de masse de thermodésorption (TDS).
  • Une batterie de bancs d’essai spécifiques sur les systèmes d’étanchéité à différentes échelles qui permettront de tester le matériel avec une pression pouvant aller jusqu’à 1000 bars et de travailler sur les phénomènes de fuite. Cela inclura la possibilité d’utiliser la modélisation afin d’acquérir une meilleure compréhension des comportements en conditions réelles. Ceci est une spécificité de Nantes et donne à ce site une dimension véritablement internationale.
  • Un liquéfacteur, adapté aussi bien pour l’hélium que pour l’hydrogène, permettant de caractériser les matériaux, capteurs, systèmes d’étanchéité et équipements en conditions cryogéniques pour l’hydrogène liquide. Différents projets sur les réservoirs ou les circuits de distribution très basse température sont en cours dans l’aéronautique, notamment menés par Airbus. Grâce à des cryostats, la température peut descendre jusqu’à 20 Kelvin, ce qui correspond à la température de l’hydrogène liquide.
  • La caractérisation de dilatation thermique, ou analyse thermomécanique (TMA), afin d’étudier le comportement des matériaux à très basse température.
  • Une activité d’ingénierie d’essais qui permet de caractériser des équipements de tous types (vannes, raccords, etc.) dans un environnement hydrogène avec de très hautes pressions et des températures extrêmes.
  • Différents moyens de mise en pression et de vieillissement des matériaux et organs mécaniques : une autre spécificité de cette plateforme est de fournir des moyens d’étudier les risques spécifiques à l’environnement hydrogène (usure des roulements, des joints, des guidages, etc.).

© Hervé Boutet / Cetim

Quels sont les enjeux techniques qui mobilisent le plus les professionnels ?

Sur la fabrication de l’hydrogène, il y a des sujets sur l’augmentation des cadences de production pour fournir les équipements et pièces élémentaires nécessaires aux électrolyseurs pour produire l’hydrogène bas carbone.

Il y a aussi des demandes sur la maîtrise de la propreté sur tout le cycle de vie, que ce soit au démarrage ou pendant le fonctionnement, afin de ne pas avoir une réduction de l’efficacité des générateurs.

Par ailleurs, l’une des problématiques récurrentes est celle du transport et de la distribution, avec le choix des matériaux pour les canalisations et la problématique de l’étanchéité dans la distribution.

Il y a aussi des demandes sur la réglementation et son application en fonction des usages, par exemple pour le off road ou le ferroviaire par rapport au transport routier : comment s’appliquent les règles lorsqu’on passe d’une application à l’autre ?

Pourquoi avoir choisi les Pays de la Loire pour installer cette plateforme ?

L’implantation de cette plateforme à Nantes correspond d’abord à la présence d’expertises spécifiques sur les sites nantais actuels du Cetim, que ce soit sur la question de l’étanchéité, de la maîtrise en pression des gaz ou des réservoirs composites.

De plus, grâce à la richesse de ces acteurs, à la diversité des ressources renouvelables présentes en Pays de la Loire et disponibles pour ces différents types de production, la Région des Pays de la Loire a pour ambition de devenir l’une des toutes premières régions en matière de production et d’usage d’hydrogène renouvelable. Véritable atout, la région possède une variété d’acteurs économiques en capacité de se positionner sur l’ensemble des maillons de la chaîne de valeurs.

Et pourquoi avoir choisi de porter autant d’efforts sur la thématique de l’hydrogène ?

Pendant la première phase de développement de la filière, nous avons identifié que certains verrous technologiques allaient requérir les compétences des mécaniciens qui pouvaient de ce fait avoir un rôle stratégique à jouer.

Le programme comprend aussi un important volet formation : nous déployons différentes actions, d’abord en faisant évoluer notre offre pour l’adapter au développement de l’hydrogène, mais aussi avec la création de formations spécifiques. Nous cherchons aussi à nous inscrire de plus en plus dans des cycles de formation initiale afin de parvenir à une montée en compétences globale dans le secteur de l’hydrogène.

Quelle est votre vision du développement du secteur de l’hydrogène à moyen terme ?

Le programme HyMEET s’étend jusqu’à fin 2026, mais nous nous projetons bien entendu sur un temps beaucoup plus long. La cryogénie est d’ailleurs une thématique importante pour le futur. Nous essayons de faire correspondre nos travaux avec les priorités fixées par le marché et nous sommes très attentifs à la manière dont évolue l’ensemble de l’écosystème. L’objectif est en effet de développer une vision globale du développement de la filière hydrogène à l’échelle internationale. Les usages sont plus ou moins matures, mais aujourd’hui, la priorité est d’avoir suffisamment d’hydrogène vert décarboné et à un prix raisonnable.

Nous sommes aujourd’hui dans une phase de maturation de la filière : certaines options ont été mises en stand-by, et d’autres ont été identifiées comme prioritaires. L’enjeu désormais est d’entrer dans une phase de consolidation de la production d’une part et de la distribution d’autre part, et ces processus s’inscrivent sur un temps assez long. En tout cas, les usages qui s’annoncent comme étant prioritaires sont ceux de l’off-road et de la mobilité lourde, ainsi que la décarbonation des sites industriels (en substitution du gaz naturel).

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